La journée était exceptionnellement lourde de chaleur, et les roseaux jaunes d'une semaine sans eau se déplaçaient à peine, à la lente brise suffocante qui tournoyait parfois en de petit monticule de poussière sec. Un silence de plomb écrasait encore plus ambiance du paysage, alors que les premières bottes de policiers commençaient à s'agglutiner au pied de la petite colline du Temple de l'Ours. Quelques oiseaux seuls, picorant la terre, étaient parfois au regard de ses hommes équipés de leur parure anti-émeute, arsenal parfait du nouveau soldat des villes: le policier. Ils portaient leur casque de métal, leur cagoule, leur protection Kevlar, leur bouclier de plastique incassable, leur gilet par balle, leurs revêtements de cuir renforcer... Ils devaient mourir de chaud et fondre en litre de sueur sous leur juste-au-corps de latex. Mais c'est une inquiétude malsaine qui rampait dans les interstices de leur peau, moite de peur, qui glissait à la surface de leur yeux, lorsque les regards des policiers d'interventions des forces de Usu se croissaient.
Shigeru Sambo était le gardien d'une tradition et d'une culture qui disparaissaient depuis les premières guerres de territoires Aïno-Japonaise, jusqu'aux politiques d'acculturation effectuées tout au long du XXèmes. L'annonce de sa mort avait été un signe de mauvais présage pour les autorités japonaises de l'île d'Hokkaido. Plus encore quand à l'annonce téléphonique anonyme, en début de matinée, d'une complication à la mise en terre de la dépouille du défunts selon les rites de cette petite communauté Aïnu tolérée, sur les auteurs de la région du Mont volcanique Usuzan. La police anti-émeute avait pensé à un nouvel incident entre les communautés religieuses shintoïstes et bouddhistes japonaises et les chrétiens Aïnus. Mais les unités étaient faces à un calme inquiétant.
Les champs de roseaux à hauteurs d'hommes qui entouraient tous les environs du Temple, ondulaient et respiraient comme une forme vivante alors que l'excroissance du temple semblait monter jusqu'au ciel, comme élevé par les roseaux en prière, sur les hauteurs de sa petite colline. Les policiers commencèrent leur ascension aux pas cadencés.
Tant d'efforts pour lutter, rester soit même, dans sa langue, ses coutumes, ses habitudes et ses rites, dans ses expressions, et sa pensée. Dans son âme... Mais l'acculturation continue chaque jour plus grande. Que lui reste-t-il? Regarde œuvre de ton père, l'œuvre de toute une vie disparaît avec lui... Les langues Aïnu meurent comme la plante face au désert. Crois-tu que les tatouages anciens que tu viens de graver dans ta chair te rapprocheront de ce que tu n'as jamais été de son vivant? Une fière Aïnu! Les Kami ne t'ont pas aidé et le Fils de l'Homme n'est pas venu à toi, alors regarde mon règne se répandre sur la nation du Shintô...
Tous sont là. Le sol du Temple est noir d'un puits sans fond qui semble étrangement animé, des yeux multiples regardent les hommes de la brigade d'intervention, reliés d'un seul nerf à une conscience étrange. Sous les larges piliers de bois ouverts sur l'horizon de la colline et les plaines de Usu, un toit de chaume circulaire; une jeune fille regarde le corps sans vie de son vieux père et comprend qu'un nouveau pan de sa culture et de son peuple, vient de disparaître... Sa face est ensanglantée et striée par les scorifications qu'elle c'est faite avec une lame traditionnelle, alors que la terre autour d'elle est recouverte de pigments de cobalt dont elle c'est recouverte le visage... Ses longs cheveux noirs sont reliés au sol... La masse mouvante de corneilles explose dans un envole assourdissant de fracas, croisements, alors que des plumes rêches envahissent la salle sacrée dans des tourbillons, aux piliers et aux hommes, tels des serpents...
... le calme reprend la veillée du mort, vide de toute présence sous les yeux d'hommes en armes effrayés.